Diego Garcia Lara est en cinquième année à l’école des Beaux-Arts de Paris. Il travaille plusieurs médiums dont la sculpture et la peinture, en utilisant notamment la bombe de peinture. D’origine mexicaine, il s’inspire de sa vie personnelle dans son œuvre.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
Suite à une prépa artistique à Paris, je suis entré aux Beaux-Arts de Paris. Après un début assez lent pendant un an, j’ai rapidement compris que je devais avant tout faire un travail de « recherche » ou plutôt de découverte. J’avais déjà pour habitude d’accumuler du matériel. Celui-ci dépassant mon espace, je me suis mis à le questionner. De là, un travail de 3 ans s’est développé autour de la chimie et physique de mes pigments et médiums. J’ai alors, petit à petit, construit une rigueur dans ma pratique : des effets, des mélanges, et une connaissance quasi parfaite de mes outils.
Après mon diplôme, ma démarche artistique s’est orientée naturellement vers le noir et le blanc. L’absence de couleur et la présence de formes concrètes constituèrent ma nouvelle direction. Le papier et le bois n’avaient plus réellement de secret pour moi – je me laissais enfin faire face à la toile. Cette toile que je revisitais, tel un linge, une peau sensible. En découla une nostalgie relative à des souvenirs que je peine encore à identifier.
La toile est sensible à la pression, à la quantité d’eau, à la température. Mes pigments transpercent ce « corps » de lin. Percevant ma surface comme partie intégrale de mon œuvre et non plus un simple support, je me suis sensibilisé à mes propres gestes. De là naquirent diverses pièces, toutes étant encore considérées comme des « tests ». Après une soixantaine de couches superposées de noir très clair et très doux, afin d’obtenir un noir de fumée, la méduse, animal sensible et énigmatique, a pris vie sur une de mes toiles.
Peinant à apprivoiser nostalgie et douceur, mon envie de toujours aller trop vite a repris le dessus.
Je me suis donc muni d’un outil qui a une connotation forte : la bombe de peinture, au service du tag et du graffiti, illégal et nécessitant d’être rapide. Une idée m’est soudainement venue, alors que j’étais entouré de fleurs séchées que j’avais moi-même cueillies, qui attendaient d’avoir une réelle place dans ma pratique.
Une nouvelle effervescence a pris forme dans mes décisions. À l’aide de fils, de cordes, de barbelés, de dentelle, de mes fleurs, et utilisant encre, eau, bombe et objets, couches par couches, tel un puzzle, je construis des plans grâce aux silhouettes de mes objets favoris. C’est rapide mais cela demande aussi beaucoup de douceur et de compréhension afin d’obtenir l’effet voulu. Mes toiles apparaissent comme un moment de cohésion entre deux moi : un moi sensible encore trop étouffé, et un moi brut et bruyant ayant besoin d’exister.
Quelles sont vos influences ?
J’ai eu des influences artistiques, qui furent de courts instants, non pas que je ne m’intéresse pas à mes pairs. Néanmoins, mes influences réelles sont surtout des situations, des phrases dites principalement par des inconnus. Mon inspiration est émotionnelle, elle s’alimente de convictions — étrangement, j’ai du mal avec celles des livres.
J’ai été plus surpris par les larmes d’un narcotrafiquant me disant : « Quitte ton pays, marie toi avec une française, fais-le par respect pour nous, prends ta chance cabrón. » Plusieurs phrases, entendues tant au Mexique qu’en France, m’ont marqué. Mais celle-ci est sûrement la raison pour laquelle j’en suis là aujourd’hui.
Ces mots me motivent dans ma pratique, elles me poussent à me confronter à mes propres gestes dans l’art. Mon approche vis à vis des références (pour le moment) est personnelle. Je ne suis pas là pour suivre à la lettre tous les conseils qu’on a pu me donner, au contraire.
Peinant à apprivoiser nostalgie et douceur, mon envie de toujours aller trop vite a repris le dessus.
Je me suis donc muni d’un outil qui a une connotation forte : la bombe de peinture, au service du tag et du graffiti, illégal et nécessitant d’être rapide. Une idée m’est soudainement venue, alors que j’étais entouré de fleurs séchées que j’avais moi-même cueillies, qui attendaient d’avoir une réelle place dans ma pratique.
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Diego Garcia Lara