Margaux Desombre, ‘Rappelle toi de ce qui s’oublie’
10 octobre, 21:00 - 23 novembre, 18:00
FreeMARGAUX DESOMBRE
‘Rappelle-toi de ce qui s’oublie’
La mémoire, comme les abysses, forme un paysage des profondeurs aux reliefs ondoyants, un monde sous-marin tapissé d’images qui nous parviennent malgré l’épaisseur du temps, ou plutôt, à travers elle.
Il est de ces espaces qui se visitent dans l’antre de soi, qui s’allument lorsque les yeux se ferment et qui frappent le regard de l’intérieur, de ceux que Margaux Desombre révèle de ses mains et qui attendaient d’exister.
Abondances végétales, silhouettes humaines, ciels liquides et terres d’argile, animaux et symboles, barques et cahutes suspendues peuplent ces scènes flottantes à l’exotisme familier, tout entières livrées au zèle de la térébenthine, à la souplesse de l’aquarelle et à l’ardeur des pastels. Les mondes qui s’y dessinent ne se sont pas formés en une fois, ils s’y sont révélés par strates sédimentaires depuis une chambre claire, celle de la lumière subtilement travaillée qui sculpte et inonde le support pour faire naître une perspective, des lignes, des êtres, dans une généalogie renversée sur elle-même. Car ici le fond détermine la forme et le contenu son contenant, tel un dessin en creux inscrivant chaque partie dans l’histoire du tout et conditionnant chaque élément à ce qui l’entoure telle une écologie picturale. Ethique de la terre, éthique de la toile.
Dans le travail de Margaux Desombre, c’est ce qui habituellement est caché qui se voit le plus, et réciproquement. Les visages humains, le réel ajouré et domestiqué laissent place au sauvage, à la nuit, au céleste, au souterrain et au sous-marin, empreints de fantasme et de fantastique. Avec la palette infinie de l’imaginaire et des souvenirs, l’artiste ne reproduit pas le visible, pour reprendre la formule chère à P. Klee, mais en rend visible les lisières, ce qui jouxte le déjà-plus et le presque-là, l’interstice entre le temps révolu et le temps retrouvé : une sensation, un récit, un songe, un silence, un rayon de lumière, un calme plat, une vision fugitive, un miroitement, une effluve.
Ici rien n’est impossible mais tout semble improbable puisque les mondes qui s’y dessinent n’appartiennent pas au dehors. Ce sont des espaces du dedans, comme les nomme H. Michaux, passés par le prisme de la sensation, infusés et macérés dans le magma du vécu. Nul besoin donc de reproduire ni de restituer mais de prendre soin des fragments, de polir les traces, telles qu’elles surgissent, telles qu’elles survivent, et que la peintre, comme un passeur, fait accoster en formes et en couleurs. Faut-il qu’elle soit réelle pour être vrai si toute chose n’apparaît qu’en tant qu’elle est perçue ?
Composant avec ce qu’il reste du vécu, des épopées lointaines et des voyages immobiles, avec plus de souvenirs que si elle avait mille ans, Margaux Desombre tisse les fils de la sensation et trace les pulsations invisibles, le silence des nuages, l’épaisseur du soir, la moiteur des corps, les clapotis de l’eau contre une barque et le reflet irisé du bois chaud sur la mer, l’odeur de la nuit, la rugosité d’un sol terreux.
C’est au fond de Soi que se trouve l’Autre, et au fond de l’oubli que surgit la réminiscence. Libre au visiteur de s’y perdre ou de s’y trouver.
Joan Pronnier
Solo-Show du 11 octobre au 23 novembre 2024
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